Philippe Hérard a semé ses anti-héros partout dans le village.
Des mains passe-muraille libèrent un transformateur, des bouées géantes s’empilent sous un pignon, prêtes à déborder, un voyageur torse nu attend le bus, pagaie jaune et vieille valise à la main et bien d’autres encore…
Peints sur papier, puis collés à même le mur, ces quidams un brin mélancoliques transforment chaque façade en mini-scène de vie absurde.
Leur monde tangue entre humour et poésie et nous voilà surpris en train de rêver et d’inventer une histoire à chacune de ces rencontres










Philippe Hérard est un peintre et street artiste français qui, depuis plus de 35 ans, développe une œuvre poétique, absurde et profondément humaniste. Autodidacte, il expose d’abord en galerie avant de se tourner, en 2009, vers l’espace urbain, notamment dans son quartier de Belleville à Paris, où il commence à coller ses personnages aux allures fragiles sur les murs. Très vite, ses interventions deviennent reconnaissables par leur douceur, leur humour discret et leur grande humanité.
Philippe Hérard travaille principalement sur papier kraft ou papier journal, rehaussé de fusain, d’acrylique ou d’encre. Cette technique artisanale et éphémère s’adapte parfaitement aux textures brutes de la rue. Il compose avec les fissures, les reliefs, les irrégularités des murs, détournant chaque élément urbain pour l’intégrer dans ses compositions. Le collage devient ainsi un geste poétique, un dialogue silencieux avec l’espace et les passants.
Ses personnages – qu’il appelle affectueusement ses « gugusses » – sont des figures anonymes quoi que régulièrement reprenant les traits de l’artiste, souvent en équilibre précaire, perdues dans des situations absurdes ou décalées : perché sur une échelle trop courte, accroché à une rame sans bateau, ou lesté d’une ampoule géante. Parmi ses figures récurrentes, on retrouve « l’homme à la bouée », « l’homme au fauteuil » ou encore « le coureur immobile », autant d’avatars de notre époque confrontée à l’absurde, à l’attente, à la solitude ou à la fragilité du lien social.
Artiste pudique et discret, Philippe Hérard prépare minutieusement ses œuvres dans l’intimité de son atelier. Il aime ce retrait, cette distance avec le regard immédiat. Loin du geste impulsif de la rue, son travail est empreint d’une grande sensibilité, presque contemplative. Il cherche à préserver un rapport personnel à l’acte de peindre, pour ensuite se laisser troubler par le public. C’est dans cette solitude choisie que naît la justesse de ses images.
« Cette imagerie décalée abonde dans ma tête », confie-t-il. À travers elle, il cherche à créer des bulles de poésie dans l’espace public, des fragments de rêve, des respirations dans le tissu urbain. Ses œuvres instaurent un échange intime avec le spectateur, une invitation à ralentir, à observer, à ressentir. Elles touchent souvent au cœur, sans en avoir l’air.